Kazimierz Duda C.K.M. Frères d'armes CHRONIQUES DOCUMENTS


Histoire de l'escadron C.K.M.

Histoire de l'escadron C.K.M.

Histoire de l'escadron C.K.M.

Histoire de l'escadron C.K.M.

L'escadron indépendant C.K.M.1 était une unité polonaise de cavalerie motorisée, constitué durant la seconde guerre mondiale, armée de mitrailleuses lourdes Vickers et de mortiers. Associé aux bataillons de la 3e brigade d'infanterie, l'escadron assura la protection de la 10e brigade de cavalerie de la 1re division blindée polonaise.

L'escadron indépendant C.K.M avait pour origine le 3e escadron du bataillon des armes de soutien de la division de reconnaissance polonaise. Cette division avait été constituée le 1er octobre 1940 à Douglas en Ecosse2, lors de la reconstruction de l'armée polonaise par le général Władysław Sikorski3.
Cette armée était composée de soldats qui avaient combattu durant la campagne de Pologne de septembre 1939, lors des invasions allemandes et soviétiques, puis durant la campagne de France en mai 1940. Elle était aussi formée de polonais venus du monde entier.

A sa création, la division de reconnaissance était cantonnée à Perth en Ecosse, casernée dans la grande teinturerie Tulloch Works. La division était composée de deux bataillons motorisés, d'un bataillon de chars et d'un bataillon des armes de soutien.

1 Ciężkich Karabinów Maszynowych
2 Où les forces polonaises en exiles avaient été envoyées pour la défense des côtes.
3 1er ministre du gouvernement polonais en exil et chef de l'armée polonaise.

Général Wladyslaw Sikorski - Ecosse - Biggar, sud Lanarkshire - 30 août 1940

Ecosse - Cowdenbeath - 1941


Kazimierz Duda - Formation parachutiste - Ecosse - Largo House - 1941

Les origines différentes de ses effectifs obligea le commandement à démarrer immédiatement des programmes intensifs de formations, pour lesquels les nombreuses langues parlées1 nécessitèrent une formidable organisation. Le mélange de corps d'armées d'origines différentes favorisa l'apparition de tensions entre les officiers qui influèrent sur les comportements des simples soldats. Dans cette armée en sous effectif et en perpétuelle réorganisation, les incessantes mutations d'officiers déstabilisèrent les hommes de troupes.

Le bataillon des armes de soutien était constitué de 3 escadrons : le 1er pour l'anti-aérien, le 2e se chargea de l'anti-char et le 3e des mitrailleuses lourdes. Les équipements et véhicules de transport arrivèrent lentement et de manière désordonnée, mais le plus difficile fut d'obtenir des effectifs au complet.
Après sa formation de parachutiste à Largo House dans la 4e brigade de parachutiste2 du colonel Sosabowski, Kazimierz Duda fut appelé au 3e escadron et arriva à Perth le 20 octobre 1941. Il fut chargé par le capitaine de cavalerie Zawisza, de tenir une chronique de l'escadron. Le lieutenant Duda commanda le 1er peloton, le 2e peloton le fut par le sous-lieutenant Edward Blayda et le 3e par le sous-lieutenant Mieczyslaw Jankowski.

1 Polonais, français, anglais, allemand, russe, roumain, hollandais.
2 Devenue la 1re brigade indépendante de parachutistes en septembre 1941 sous les ordres du colonel Stanisław Sosabowski, qui deviendra général le 15 juin 1944. Kazimierz Duda écrit qu'il le détestait en raison de son caractère et de son manque de franchise mais aussi parce qu'il avait retardé de plusieurs mois son retour au 3e escadron du bataillon des armes de soutien (Sosabowski désirant probablement conserver le maximum d'effectifs pour son unité).


Le 3e escadron recevait souvent des hommes dont les autres escadrons ne voulaient pas. On y trouvait des aventuriers, des voleurs, des escrocs qu'il fallait remettre dans le droit chemin. Il y avait aussi bien sur des hommes de valeur et Kazimierz Duda parle d'exemplarité au sujet de deux soldats de la Légion Etrangère. Comme un officier se doit de l'être, il était très concerné par la qualité de la formation que ses hommes devaient recevoir.
Les polonais étaient persuadés de repartir rapidement au combat, mais l'attente prolongée commença à peser sur le moral et conduisait certains soldats à se comporter brutalement1.

Le 4 avril 1942, la division de reconnaissance prit ses nouveaux quartiers à Dalkeith en Ecosse. Les camions du 3e escadron furent remplacés par des Bren Carriers. Il s'agissait d'un véhicule tout terrain à chenille qui avait été conçu à l'origine pour remplacer le cheval des anciennes formations de cavalerie et qui leur permettait une importante capacité de mouvement. Le lieutenant Kazimierz Duda devint adjoint au commandant du 3e escadron sans quitter son poste de chef du 1er peloton. Le 3e escadron fut surnommé par les autres escadrons « buraki2 », suite à un contrôle ordonné par le capitaine Zawisza et une remise en état vestimentaire des hommes de troupes, qui avaient tendance à se laisser aller.

1 Kazimierz Duda rapporte un meurtre au couteau entre soldats suite à une dispute, une bagarre contre des écossais dans un pub, des pugilats réguliers entre les hommes.
2 Littéralement "Betteraves", un surnom péjoratif que l'on peut rendre en français par "bouseux" ou "pedzouilles" ou encore "ploucs". (Note de la traductrice Helena Dudziak.)

Insigne du 1er régiment de reconnaissance - Escadron C.K.M.


Le 1er juillet 1942, la division de reconnaissance fut renommé 1er régiment de reconnaissance et se trouva incorporé à la 1re division blindée polonaise qui avait été constituée le 25 février et mit sous les ordres du général Maczek. Le capitaine de cavalerie Zawisza quitta le commandement du 3e escadron et fut affecté auprès de l'armée du général Władysław Anders en Palestine1. C'est le lieutenant Zbigniew Giera, officier de cavalerie récemment arrivé de France, qui en prit le commandement.
Durant l'automne 1942, de nouvelles formations eurent lieu pour les officiers de la 1re division blindée, basées sur l'étude du retour d'expérience des combats en Afrique du nord.

A partir de l'année 1943, formations et organisations vont en s'accélérant avec cette même urgence répétée à tous les hommes : soyez prêts !

Le 1er novembre 1943, le 1er régiment de reconnaissance fut dissous et seul le bataillon des armes de soutien resta en place, rattaché à la 3e brigade d'infanterie. Moins de la moitié des effectifs des bataillons du régiment de reconnaissance furent affectés aux escadrons du bataillon des armes de soutien. Le reste alla combler les manques dans les autres unités de la 1re division blindée.

1 Le général Władysław Anders commanda le 2e corps polonais, intégré à la 8e armée britannique.


Le 18 novembre 1943, le bataillon des armes de soutien quitta Dalkeith pour Innerleithen, toujours en Ecosse. Les programmes de formations s'intensifièrent, éprouvant les officiers et les hommes. Les mois qui suivirent furent consacrés à l'apprentissage de la conduite des Carriers, au maniement des armes et aux tactiques de combats. Kazimierz Duda, adjoint du commandant, décrivit fièrement le 3e escadron comme étant totalement opérationnel et constitué d'hommes parfaitement formés.

13 mars 1944, Le général Montgomery visita les campements de la 1re division blindée, accompagné par le général Maczek. La 3e brigade d'infanterie reçut le général sur le terrain de sport de Galashiels. Dans son discours il exprima son désir de rencontrer les polonais avec lesquels il allait combattre et d'établir avec eux une relation de « confiance réciproque ».

Le 5 avril, le dernier ordre du bataillon des armes de soutien fut donné. Le lendemain, le 1er ordre de l'escadron indépendant de mitrailleuses lourdes (C.K.M.) arriva. Le major Szajwoski fut nommé commandant de l'escadron, mais il ne resta que 4 jours à ce poste. Kazimierz Duda rapporta l'incident qui causa le départ du major : le 9 avril, alors que le major était en compagnie de ses officiers et qu'il avait beaucoup bu, il critiqua et insulta les officiers de réserve, mettant en doute leurs compétences alors qu'il était, lui, un officier professionnel1. Il ne se présenta pas le lendemain devant ses officiers et fut transféré à l'escadron de réserve des tanks puis nommé seconde adjoint au régiment antichar pour finir par être désigné adjoint au régiment des Dragons2.

1 Le major était le seul officier du bataillon à être professionnel. Kazimierz Duda était officier de réserve comme tous ses collègues.
2 Le major fût donc promu, au grand mécontentement de tous les officiers du bataillon des armes de soutien qui s'étaient sentis insultés.

Kazimierz Duda - Ecosse - 3e escadron de Mitrailleuses Lourdes du Bataillon des Armes de Soutien - 1943


Insigne de la 1re Division Blindée Polonaise ayant appartenu à Kazimirez Duda

Le lieutenant Kazimierz Duda, fut chargé de la liquidation du bataillon des armes de soutien et du commandement de l'escadron C.K.M. Un mois après, le capitaine de cavalerie Marian Kochanowski fut nommé au commandement de l'escadron, Kazimierz Duda demeura à son poste d'adjoint.

Le 23 mai, la 1re division blindée polonaise au complet fut mutée dans la région de York en Angleterre. L'escadron C.K.M. prit ses quartiers à Malton, à 18 lieues de York. Durant un mois la Division peaufina son organisation et son équipement. Une simulation de combat eut lieu en compagnie de la 2e division blindée française du général Leclerc.

6 juin 1944 : invasion de la France par les Forces Alliés.
Courant juin la 1re division blindée continua ses préparatifs. Trop court d'une centaine d'hommes, elle fut tout de même reconnue comme une division prête à partir au combat par le commandement anglais. Elle fut assignée au 21e groupe d'invasion.

A partir du 15 juillet, la 1re division blindée fut transportée progressivement par la route ou par le chemin de fer jusqu'au cantonnement d'Aldershot à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Londres.


Le 28 juillet, la 3e brigade d'infanterie reçut l'ordre de se rendre à la zone d'attente pour l'embarquement. Le lendemain, l'escadron C.K.M. embarqua dans le port de Londres, à bord du Liberty ship « Samnesse » avec l'escadron de commandement du 24e régiment blindé et la 1re compagnie du 9e bataillon d'infanterie. Le 31 juillet le « Samnesse » se mit en route dans l'embouchure de la Tamise, en direction de Douvres.

Le 1er août, les soldats polonais découvrirent les rivages de Normandie et furent impressionnés par l'imposante flotte de bâtiments Alliés. L'escadron C.K.M. fut emmené sur des péniches et débarqua le 2 août à 12h30 sur la plage de Courseulles-sur-Mer, qui avait pour nom de code Alliés : « Juno Beach ». Durant 3 jours, la 1re division blindée polonaise débarqua ses hommes et tout son matériel, prenant ensuite la direction de la zone de regroupement au nord de Bayeux. Sur la route, les polonais découvrirent une Normandie ravagée par les bombardements et une population en partie hostile aux armées d'invasion, manquant de tout, vivant dans une extrême pauvreté.

Le 4 août, l'ordre officiel arriva : la 1re division blindée polonaise, commandée par le général Maczek, devait incorporer le 2nd corps canadien de la 1re armée d'invasion pour le secteur de Caen. A partir du 8 août 1944, l'histoire de l'escadron C.K.M. se confond avec l'histoire de la 1re division blindée. Les 3 pelotons de l'escadron C.K.M. furent répartis dans les 3 bataillons de la 3e brigade d'infanterie : le 1er peloton fut affecté au 9e bataillon de chasseurs, le 2e peloton passa au 8e bataillon et le 3e peloton rejoignit le bataillon de Podhale. Le commandement C.K.M. resta avec le commandement de la 3e brigade.

Liberty Ship Samnesse (SS Simon B Elliott)


Libération de la ville de Breda - 29 octobre 1944

La 1re division blindée polonaise connut son baptême du feu lors des dernières batailles de Normandie1, pendants lesquelles elle fut bombardée trois fois par l'aviation Alliés. Au prix de nombreuses pertes, elle assura la fermeture de la poche de Falaise2 qui permit enfin aux Alliés de poursuivre l'invasion de la France après deux mois passés retenus en Normandie.
Les soldats de la 1re division blindée furent tous des hommes courageux, motivés par le désir de retrouver leur famille et leur pays. Continuellement à court d'effectif, elle arriva a trouver quelques compléments avec les polonais qui avait été obligés de combattre dans l'infanterie allemande.

La 1re division blindée participa à la libération de nombreuses villes dans le nord de la France, en Belgique, puis aux Pays-Bas. Le 29 octobre 1944, la division libéra la ville de Breda que l'armée allemande avait voulu transformer en véritable forteresse. Le général Maczek réussit après deux jours de violents combats et sans tirer un seul obus sur la ville à forcer les allemands à la retraite, ne leur laissant pas le temps de la détruire. 1 400 soldats polonais sont morts durant la bataille et la ville de Breda commémore chaque année cette libération. Après des opérations dans le secteur de Capelle, la 1re division revint le 11 janvier 1945 prendre ses quartiers d'hiver à Breda.

La 1re division blindée termina son épopée militaire le 5 mai 1945 lors de la capture de Wilhemshaven en Allemagne, port maritime et principale base des sous-marins U-boote de la marine allemande (Kriegsmarine).

1 Opération TOTALIZE : tentative inaboutie dans la région de Caen de percer la défense allemande qui retenait les Alliés en Normandie depuis 2 mois.
2 Opération TRACTABLE : encerclement de la 5ème et de la 7ème divisions allemandes. Le 2e corps canadien et la 1re division blindée polonaise ont fermé cet encerclement.


Dans son analyse de l'utilisation de l'escadron indépendant de mitrailleuses lourdes (C.K.M.), le capitaine de cavalerie Kazimierz Duda1 regrette qu'il n'ait pas été utilisé en tant qu'unité réellement indépendante. Le commandement C.K.M. devait alimenter ses pelotons par ses propres moyens, sans toujours connaître leurs positions, avec le risque de voir ses moyens de communication interrompus. Kazimierz Duda souligne que les bataillons d'infanterie ne savaient pas comment utiliser efficacement les pelotons C.K.M., leur donnant des missions qui ne correspondaient pas à leurs formations. Malgré cela, les pelotons se battirent avec acharnement et sauvèrent très souvent la situation dans les combats où l'infanterie avait renoncé. L'escadron, avec sa puissance de feu et commandé dans son entier, aurait donné de bien meilleurs résultats tactiques. Kazimierz Duda conclut son analyse par l'inutilité de l'existence de l'escadron C.K.M. en tant qu'unité indépendante telle qu'utilisée lors de la campagne de 1944-45.

A leur démobilisation en 1947, les soldats polonais, qui se sont battus depuis 1939 pour libérer leur pays, ne peuvent rentrer chez eux, trahis par les Alliés qui ont laissé l'Union Soviétique diriger la Pologne. Un grand nombre de ceux qui essayeront seront exécutés en tant qu'anti-communiste.

1 Kazimierz Duda obtient le grade de capitaine de cavalerie le 7 septembre 1944.

Kazimierz DUDA - Ecosse - 1945


Lettre de l'état-major Américain (anglais)

La plupart des hommes de la 1re division blindée polonaise revinrent vivre à Breda aux Pays-Bas, en Belgique, en France et en Ecosse où ils ne furent plus les bienvenus et durent vivre dans des camps de travail le temps de la reconstruction économique de la Grande-Bretagne. Kazimierz Duda raconte que les conditions de vies étaient tellement difficiles dans ces camps que certains préférèrent tenter leur chance en Pologne communiste, motivés aussi par les autorités Alliés à rentrer au pays.
Ces mêmes autorités retirèrent aux soldats polonais leurs droits d'ancien combattant et leur pension militaire. Dans les années soixante, le général Maczek devint barman dans un hôtel d'Edimbourg. En 1989, le dernier gouvernement communiste de Pologne lui fit des excuses nationales. Il mourut en 1994 à l'âge de 102 ans et, selon ses dernières volontés, fut enterré auprès de ses hommes dans le cimetière militaire polonais de Breda.

En 1990, le Gouvernement Démocratique Polonais basé à Londres depuis 1940 fut autorisé à rentrer en Pologne suite à la chute de l'Union Soviétique. Pour tous les polonais exilés, la Seconde Guerre Mondiale se termina enfin.

Steven Duda